1- Historique de la pénétration au Soudan
1- Historique de la pénétration au Soudan
L'idée de drainer à notre profit le commerce du Soudan appartient toute entière au Général Faidherbe, gouverneur du Sénégal de 1855 à 1865. Les récits de Mungo Park, ceux de Caillée, ne permettaient pas de douter des avantages commerciaux que retirerait la puissance européenne qui parviendrait à s'aboucher avec les riverains du Niger ; mais entre le Niger et nos comptoirs du Sénégal s'étendait une série de petits états indépendants qui formaient une barrière presque infranchissable aux caravanes soudanaises. Faidherbe résolut de faire tomber les obstacles qui nous séparaient du grand fleuve.
Deux solutions se présentaient : ou faire la conquête méthodique des régions intermédiaires, ou créer une voie de pénétration choisie de telle sorte qu'elle fût facile à garder et qu'elle offrît les plus grands avantages possibles au double point de vue des transports et du ravitaillement. C'est à cette dernière solution que s'arrêta le Général Faidherbe. Mais la suite des événements devait nous obliger plus tard à compléter son idée par la première solution qui s'était présentée, c'est à dire, à faire autour de la voie d'accès la conquête du pays et à étendre considérablement cette conquête.
Profitant des rivalités qui séparaient les principicules des bords du Sénégal, Faidherbe échelonna sur les bords de ce fleuve et à plus de 900 kilomètres de Saint-Louis une série de postes fortifiés destinés à garantir la libre navigabilité du fleuve. Richard-Toll, Dagana, Podor, Saldé, Matam, Bakel, Médine, virent bientôt se grouper autour du poste les comptoirs de nos commerçants.
Mais cette pénétration méthodique vers le Niger, si brillamment commencée faillit être à tout jamais compromise par le soulèvement d' El Hadj Omar qui, nouvellement revenu de la Mecque, soulevait les populations du Fouta, prêchait la guerre sainte contre nous et jetait les bases de cet immense empire Toucouleur, lequel s'étendit bientôt des bords du Sénégal jusqu'aux portes de Tombouctou.
L'échec que le saint homme avait subi devant notre poste de Médine n'avait point enrayé le mouvement, et El Hadj Omar ne cachait nullement son intention de nous enterrer peu à peu au milieu de ses états pour nous jeter ensuite plus facilement à la mer.
Il fallait compter avec un pareil adversaire. Des négociations s'ouvrirent. Avec sa parfaite connaissance des populations musulmanes, Faidherbe, utilisant les dévouements qu'il s'était acquis au Sénégal, eut vite fait de ramener le grand conquérant noir à de meilleurs sentiments envers la France. Afin de le gagner définitivement à notre cause, la mission Mage-Quintin lui fut envoyée (1864). Malheureusement, El Hadj Omar était en ce moment cerné au Macina par les autochtones (il ne devait du reste jamais en sortir) et son fils Ahmadou Cheikou, auprès duquel la mission se rendit, était loin de posséder les remarquables facultés de son père.
Après avoir retenu à Ségou pendant deux ans le Lieutenant de vaisseau Mage et le Docteur Quintin, en leur faisant toujours espérer le retour prochain d'El Hadj, Ahmadou Cheikou se décida enfin à les renvoyer à Saint-Louis avec mille compliments flatteurs, mais sans vouloir prendre d'engagements formels. Les renseignements rapportés par Mage confirmèrent le Général Faidherbe dans l'opinion qu'il s'était déjà formée, à savoir que la création d'une route Sénégal-Niger n'offrait aucune difficulté, et il se disposait à en jeter les bases lorsqu'il fut rappelé en France.
Nous étions alors en 1865. L'idée ne fut reprise qu'en 1879, par le Général Brière de l'Isle qui la mena de suite à un point d'exécution tel que l'abandonner fut dès lors impossible. Mais les conditions en 1879 n'étaient plus les mêmes qu'en 1865. L'empire Toucouleur avait victorieusement traversé la crise qui s'était ouverte lorsque la mort d' El Hadj Omar avait été connue et de plus, nous allions avoir bientôt à faire à un nouvel adversaire, Almamy-Emir Samory, qui depuis 1866 s'était mis, au Ouassoulou, à la tête d'un royaume déjà respectable.
Quoiqu'il en soit, le Général Brière de l'Isle fit commencer au Sénégal les travaux d'études de la voie ferrée Dakar/Saint-Louis, afin de parer aux inconvénients du franchissement de la barre du fleuve. Saint-Louis, en effet, allait devenir la base d'opérations des colonnes du Haut-fleuve, et il importait tout d'abord qu'aucun retard dans l'arrivée du ravitaillement ne vint entraver les opérations militaires.
Or, Saint-Louis n'est pas toujours accessible aux navires d'un certain tonnage. La barre de sable que forme le Sénégal est souvent capricieuse, et il n'est pas rare de voir les bateaux arrêtés pendant plusieurs jours à l'embouchure du fleuve avant de se risquer à entrer. D'un autre côté, trois lignes de brisants absolument infranchissables interdisent l'accès du port autrement que par le Sénégal. Le chemin de fer Dakar/Saint-Louis allait atténuer considérablement ces obstacles.
En même temps, les missions hydrographiques sillonnaient le fleuve jusqu'à Bafoulabé et choisissaient Kayes comme point terminus de la navigation. Médine, en effet, se trouve en amont d'une passe assez difficile nommée les Kippes et dans laquelle le fleuve resserré entre deux collines forme un rapide des plus sérieux. L'expérience a depuis démontré que le point terminus de la navigation fluviale eut été plus judicieusement placé à une vingtaine de kilomètres en aval de Kayes, au dessous du village de Tambounkané. Ce village se trouve en effet en amont d'un seuil rocheux de plus d'un kilomètre de longueur et sur lequel, dès la fin de novembre la hauteur d'eau ne dépasse pas 60 à 70 centimètres.
Kayes ayant été choisi, c'est de ce point que furent commencés les travaux du chemin de fer du Sénégal au Niger. Une mission commandée par le capitaine Galliéni, le gouverneur actuel de Madagascar, fut chargée d'étudier le tracé de cette voie ferrée. La mauvaise volonté d' Ahmadou, Sultan de Ségou, auprès de qui la mission devait se rendre, ne lui permit pas de compléter ses études. A cette mauvaise volonté vint s'ajouter l'hostilité des Bambaras des environs de Bamako, qui, sachant la mission accréditée auprès du Sultan de Ségou, leur ennemi, n'hésitèrent point à l'attaquer au village de Dio et à piller ses bagages. Cet attentat de Dio devait être sévèrement châtié quelques années plus tard par le Colonel Borgnis-Desbordes.
Pendant que se passaient ces événements, le fort de Bafoulabé s'achevait à 130 kilomètres de Médine, au point où le Bakhoy et le Bafing se réunissent pour former le Sénégal. Nous étions alors en 1880.
En 1881 le Colonel Borgnis-Desbordes, nommé commandant supérieur du Haut-fleuve, franchissait le Bafing et fondait les deux postes de Badoumbé et de Kita à 180 kilomètres plus loin.
En 1882, Goubanko, cité malinkaise hostile était emportée d'assaut et l'on amenait à composition le gros village toucouleur de Mourgoula. Mais au cours de cette année 1882, Samory était entré en ligne. L' Almamy du Ouassoulou assiégeait alors Keniera sur la rive droite du Niger, à quelques kilomètres de Siguiri. Les habitants de Keniera demandèrent notre protection. Nous fûment trop heureux de la leur accorder, puisque cette marche en avant devait nous porter sur le Niger, objet de nos convoitises. Malheureusement, la colonie arriva trop tard. Keniera avait succombé l'avant-veille. Nos troupes culbutèrent bien Samory surpris dans son camp, mais, à 600 kilomètres de Kita, notre base d'opérations, nous ne pouvions songer à le poursuivre. Le Colonel Borgnis-Desbordes rétrograda. Mais Samory, revenu de son alerte, nous poursuivit à son tour et ne nous abandonna qu'aux portes de Kita, après nous avoir harcelés par des engagements presque journaliers. Samory s'établit alors en vainqueur sur la rive gauche du Niger. Il fallut l'en chasser.
En 1883, le port de Bamako était fondé après une lutte furieuse contre les Sofas de Samory. C'est dans l'un de ces engagements, le dernier, que le Colonel Borgnis-Desbordes, voyant le cercle des Sofas se resserrer de plus en plus, se tourne vers des officiers et leur dit froidement ceci : "Messieurs, ménagez vos cartouches de revolver car, après avoir si largement servi les autres, il faudra peut-être songer à nous-mêmes".
En 1884, le Commandant Boilève fondait Koundou, poste intermédiaire entre Bafoulabé et Kita, et destiné à contenir les Toucouleurs d' Ahmadou qui se concentraient au nord de notre nouvelle route de ravitaillement. En même temps, les deux canonnières Mage et Niger étaient lancées sur le grand fleuve et en commençaient la reconnaissance.
Les années 1885 et 1886 furent marquées par toute les horreurs de la guerre. Samory jetant sur nos possessions plus de 20 000 Sofas détruisit tout sur son passage. Ce ne fut que grâce aux prodiges de toutes sortes déployés par le Commandant Combes (actuellement Colonel) que nos faibles effectifs purent se maintenir en position. Six batailles rangées et vingt sept engagements victorieux suffirent à peine à contenir Samory que nous ne pûmes malgré tout empêcher d'investir le nouveau fort de Niagassola et de venir ravager jusqu'aux portes de Bafoulabé.
A la fin de 1886, le Colonel Frey, investi du commandement supérieur, put enfin reprendre victorieusement l'offensive, dégager Niagassola et repousser Samory jusqu'au Niger. C'est à ce moment que harcelé par les colonnes volantes du Colonel Frey, Samory fit des offres de soumission qui furent d'autant plus volontiers acceptées que nos derrières étaient sérieusement menacés par le soulèvement de Mahmadou-Lamine. Le voyage en France de Karamoko, fils de Samory, nous garantissait, au moins momentanément, la neutralité du père.
Mahmadou Lamine revenant de La Mecque voulait, à l'exemple d' El Hadj Omar, se tailler lui aussi son petit royaume. Bien accueilli d'abord par le Colonel Frey qui comptait s'en servir pour contenir Ahmadou-Cheikou de jour en jour plus menaçant, Mahmadou-Lamine ne tarda pas à tromper la confiance du commandant supérieur et à lever l'étendard de la révolte, entraînant à sa suite les sarracolets des environs de Bakel.
Presque en même temps, le fort de Bakel était investi, une compagnie d'infanterie décimée au combat de Kounguel (Kaolack) et Kayes menacé. Il fallait à tout prix abandonner Samory pour revenir en arrière. C'est alors que le Colonel Frey élabora un plan remarquable, dans lequel de savantes combinaisons stratégiques devaient constamment dérouter l'adversaire et suppléer au petit nombre d'hommes dont nous disposions. Faisant faire à sa troupe des marches de 40 et 50 kilomètres par jour, alors qu'elle venait d'en parcourir plus de 1200 en quatre mois, le Colonel Frey dégageait Bakel et rejetait Mahmadou-Lamine jusque sur la Haute-Falémé.
De 1886 à 1888, le Colonel Galliéni, revenu comme commandant supérieur, en finissait tout d'abord avec Lamine qui, traqué par la colonne volante du Capitaine Fortin, se faisait enfin prendre sur les bords de la Gambie. Il contenait Samory par un traité que lui faisait signer le capitaine Peroz. Il parvenait à maintenir suffisamment haut notre prestige pour retarder jusqu'en 1889 le conflit avec les Toucouleurs d' Ahmadou, Sultan de Ségou. La campagne de 1889-1890, dirigée contre les Toucouleurs, fut marquée par la prise de Ségou et la fuite d' Ahmadou dans le Kaarta.
Le 1er janvier 1891, le Lieutenant-colonel Archinard entrait à Nioro. La prise de cette ville faisait tomber entre nos mains la dernière place forte de l'empire Toucouleur fondé par El Hadj Omar et délivrait les populations du joug pesant auquel leurs conquérants les avaient assujetties.
Ahmadou fut mis en fuite, le Lieutenant-colonel Archinard se retournait contre Samory, surprenait son armée et fondait le fort de Kankan. En même temps le capitaine Quiquandon s'employait au Kénédougou à nous gagner l'amitié de Tiéba et un Toucouleur de Saint-Louis, le contrôleur des télégraphes Mademba (Mademba Say), était installé à Sansanding comme suzerain des territoires de la rive gauche du Niger.
La campagne 1891-1892 fut dirigée par le Lieutenant-colonel Humbert contre Samory qui tentait de reconquérir ses États. Du 6 janvier au 23 mars 1892, seize combats sans compter de nombreuses escarmouches, nous livraient Bissandougou, Sanankoro, Kérouané et rejetaient Samory dans le sud.
Pendant la campagne 1892-1893, nous luttâmes à la fois contre Ahmadou et contre Samory. Le Lieutenant-colonel Archinard en personne dirigea les opérations contre le Minianka, Djenné et Bandiagara, tandis que le Lieutenant-colonel Combes, pourchassant Samory, le rejetait jusqu'au delà d'Odjenné, jusque vers Kong. Les postes de Faranah et Hérémakono étaient fondés, et afin de pourchasser les bandes de Sofas qui tenaient encore la campagne, le Lieutenant-colonel Combes détachait en reconnaissance les Capitaines Briquelot et Dargelos qui s'acquittaient à merveille de leur délicate mission, pacifiaient le pays jusqu'aux frontières de la République libérienne à proximité de laquelle était fondé le nouveau poste de Beyla.
En revenant du Macina, le Colonel Archinard faisait occuper Sokolo et complétait ainsi la possession du Kaarta que nous tenions déjà par Nioro et Goumbou.
Dans la campagne suivante, le Lieutenant-colonel Bonnier fondait le poste de Bougouni après être arrivé malheureusement trop tard pour sauver les villages de Tenetou et de Bougouni assiégés par les bandes de Samory. Le Colonel Bonnier allait se lancer à la poursuite de l' Almamy lorsque survinrent les événements de Tombouctou, l'occupation de cette ville par le Lieutenant de vaisseau Boiteux et la mort de l'enseigne de vaisseau Aube. Abandonnant Samory, contenu par le nouveau poste de Bougouni, le Lieutenant-colonel Bonnier se dirigea en toute hâte sur Ségou où il organisa deux colonnes. L'une, qu'il commandait en personne, devait descendre le Niger en bateau jusqu'à Tombouctou où elle servirait de renfort aux minces effectifs du Commandant Boiteux. L'autre, une force plus considérable, devait gagner Tombouctou par terre en suivant les limites des inondations de la rive gauche du Niger. Elle était commandée par le Chef de Bataillon Joffre, de l'armée du Génie. Tout le monde connaît l'odyssée de ces deux colonnes qui se termina pour l'une d'elles (la première) par le désastre de Tacoubao.
Avec l'arrivée au Soudan de Monsieur le Gouverneur civil Grodet cessa ce qu'il appelait la période de conquêtes. Toute opération de guerre fut systématiquement défendue. C'est à peine si le commandant de Tombouctou eut l'autorisation d'envoyer reconnaître le pays à quelques kilomètres de son poste. Monsieur Grodet soumit même à ce commandant, le Lieutenant-colonel Ebener, le projet bizarre d'enterrer Tombouctou et ses environs immédiats à l'intérieur d'un mur d'une trentaine de kilomètres de développement et au delà duquel toute protection devait être refusée aux habitants.
De pareils ordres, bien qu'exécutés en partie seulement, eurent pour résultats immédiats de rendre la campagne de Tombouctou rien moins que sûre. Malgré toutes les observations, Monsieur Grodet refusait l'autorisation de faire sortir les troupes. Un petit incident vint modifier ses idées.
En janvier 1895, alors que ce haut fonctionnaire était à Tombouctou, un parti de Touareg résolut de l'enlever. Le jour où il devait quitter Tombouctou pour se rendre à Kabara distant de 7 km et s'y embarquer, un rezzou de Touaregs fut posté sur la route. Heureusement pour Monsieur Grodet, le commandant de la place fit partir une demi-heure avant lui un demi peloton de spahis. Les malheureux essuyèrent à bout portant une décharge qui tua trois hommes et quatre chevaux. Le lieutenant qui commandait fut laissé pour mort, ayant reçu une balle qui lui enleva l'œil gauche. A la suite de cette échauffourée, Monsieur Grodet modifia séance tenante ses instructions et le commandant de Tombouctou put se donner de l'air. Inutile de dire que le départ du gouverneur fut retardé de 24 heures.
Quoiqu'il en soit, l'année 1894 et une partie de 1895 avaient été perdues pour nous. Nos bons voisins les Anglais profitèrent de notre inaction et lancèrent le métis Ferguson dans l'arrière-pays de la Côte d' Or.
Malheureusement, les termes du traité de Berlin étaient formels, il fallait occuper effectivement un territoire pour le déclarer sien, et bien que Ferguson eut laissé sur son passage bon nombre de traités, en les antidatant même quelques fois, il avait négligé, et pour cause, de fonder des postes.
Le Colonel de Trentinian nommé Gouverneur en remplacement de Monsieur Grodet, faisant ressortir auprès du département les agissements des Anglais, obtenait en 1896 l'autorisation d'envoyer au Mossi et au Gouroundi les Lieutenants Voulet et Chanoine, tandis que les Capitaines Baud et Vermersch, venant du Dahomey, nous faisait prendre pied sur le Niger (au nord des territoires occupés par la Royal Niger Compagny) acquérant à notre influence les pays Baribas, tandis que plus au nord, le Soudan faisait occuper Dori et Say.
Vers le sud, nous poussions nos reconnaissances et fondions des postes jusqu'aux frontières anglaises du Mampoursi (Nord du Togo actuel), tandis que le Commandant Caudrelier occupait Bobo Dioulasso (Burkina Faso actuel), Bouna et Kong (Côte d'Ivoire actuel).
L'année dernière enfin, la prise de Sikasso nous a donné le Kénédougou. La capture de Samory nous a permis de relier à la Côte d'Ivoire notre colonie du Soudan Français et à l'heure actuelle une expédition est en marche pour débarrasser des Touaregs qui l'infestent toute la partie de la boucle du Niger comprise entre Tombouctou Dori et Say.
Nous sommes donc en ce moment à la tête d'un vaste empire africain qui s'étend sans solution de continuité de l' Atlantique jusqu'à Say et du Sahara au golfe de Guinée, enserrant les colonies étrangères de la Gambie, de Sierra Leone, de la Côte d' Or, du Togo, sans oublier la République de Liberia.
Cet immense territoire nous a été définitivement et officiellement reconnu à la suite de la signature de la convention franco-anglaise du 14 juin 1898.
mardi 11 avril 1899